Chiara Consonni : « C'est une course folle, comme moi ! »

7 avril 2025 - 10:34

LES INCREVABLES (IV/V)

Episodes précédents :
. Oliver Naesen : « Dans la Trouée, qu’importe où je mets mes roues, je crève »
. Margaux Vigié : « Je ne suis pas méchante avec les pavés »
. John Degenkolb : « C’est en moi »

Paris-Roubaix est une affaire de spécialistes, peut-être la classique la plus indomptable et en tout cas celle dont les exigences physiques et techniques sont les plus pointues. Sa cruauté et sa rudesse en effraient certains, mais en exaltent beaucoup d’autres, qui en font le rendez-vous majeur de leur saison. Parmi ces habitués, une petite caste présente un taux de réussite de 100 %, mais quelle est leur recette pour venir systématiquement à bout du parcours ? John Degenkolb, Jasper Stuyven et Oliver Naesen n’ont jamais connu l’abandon sur la Reine des classiques, tout comme Margaux Vigié et Chiara Consonni, qui ont bouclé les quatre premières éditions de Paris-Roubaix Femmes avec Zwift. Ils décryptent pour paris-roubaix.fr les détails de leur préparation, la technique qui leur permet de surfer sur les pavés, les petites astuces ou encore la dimension mentale de ce défi qu’ils maîtrisent un peu mieux que les autres.

Chiara Consonni n'inspire pas des visions infernales. La jeune coureuse italienne a un caractère exubérant qui alimente des éclats de joie rythmés par ses rires, même lorsqu'il s'agit d'affronter les difficultés de Paris-Roubaix, la course de ses rêves. Les défis brutaux qu'elle doit relever dans le nord de la France sont à l'opposé de l'environnement paisible et pittoresque dont elle est originaire, dans la province de Bergame. Sa personnalité engageante et à multiples facettes en fait une des coureuses les plus appréciées du peloton… Mais la joie n’efface pas la force de caractère de la championne italienne, qui s'est jetée à corps perdu dans l'Enfer du Nord. Ni les chutes, ni les crevaisons n'ont entamé son enthousiasme. Consonni est l'une des rares coureuses à avoir terminé toutes les éditions de Paris-Roubaix Femmes avec Zwift, dont un Top 10 en 2023 (9e). Et elle rêve de faire beaucoup mieux...

Paris-Roubaix Femmes 2022 - 2nd Edition - Denain - Roubaix 124,7 km - 16/04/2022 - Chiara Consonni (ITA - Valcar - Travel & Service) - photo Rafa Gomez/SprintCyclingAgency©2022
Paris-Roubaix Femmes 2022 - 2nd Edition - Denain - Roubaix 124,7 km - 16/04/2022 - Chiara Consonni (ITA - Valcar - Travel & Service) - photo Rafa Gomez/SprintCyclingAgency©2022 © PRESSE SPORTS
bastianelli (marta) - (ita) - consonni (chiara) - (ita) -  PARIS/ROUBAIX FEMININ
bastianelli (marta) - (ita) - consonni (chiara) - (ita) - PARIS/ROUBAIX FEMININ © PRESSE SPORTS
Recon of Paris-Roubaix and materials test, Canyon Sram Zondacrypto
Recon of Paris-Roubaix and materials test, Canyon Sram Zondacrypto © Thomas Maheux

Chiara Consonni (Canyon-Sram zondacrypto)
Née le 24 juin 1999 à Ponte San Pietro (Lombardie, Italie)
Équipes : Valcar PBM / Valcar Cylance / Valcar-Travel & Service (2018-2022) / UAE Team ADQ (2023-2024) / Canyon-Sram zondacrypto (depuis 2025)
Principales victoires :
. 3 étapes du Giro d'Italia Women
. À travers les Flandres 2022
. Tour of Chongming Island 2023
Ses places à Roubaix :
2021 : 30e / 2022 : 25e / 2023 : 9e / 2024 : 30e
Signe particulier : surdouée et issue d'une famille de cyclistes, Chiara Consonni a exprimé ses talents dès son plus jeune âge, sur la route (elle est devenue professionnelle à 18 ans) et sur la piste, une discipline qui l'a vue s'illustrer dans le monde entier, et tout particulièrement aux Jeux de Paris 2024 (titre olympique dans la Madison) et aux Mondiaux de Roubaix 2021 (médaillée d'argent de la poursuite par équipes).

LA PRÉPA’ : « TOUT CELA EST FONDAMENTAL »
Après avoir terminé dans le Top 30 des quatre premières éditions de Paris-Roubaix Femmes avec Zwift, Chiara Consonni est tout sauf une débutante. Pourtant, « nous essayons toujours de faire beaucoup de reconnaissances », dit la coureuse italienne, qui a roulé sur les pavés du Nord-Pas-de-Calais la semaine dernière avec Canyon-Sram zondacrypto, l'équipe qu'elle a rejointe à l'intersaison. « Paris-Roubaix arrive à la fin de la campagne des classiques du Nord, nous avons donc toute une saison pour adapter le matériel et faire des reconnaissances spécifiques pendant que nous sommes à proximité. » Non seulement cela ravive les sensations des pavés et renforce la confiance des coureuses avant l'une des journées les plus stressantes de la saison, mais cela permet également de faire des choix mécaniques essentiels : « pouvoir enregistrer de nombreuses données, faire plusieurs tests sur la pression des pneus, sur la façon de s'adapter aux conditions météorologiques que vous aurez le jour de la course, tout cela est fondamental. Par exemple, l'année dernière, nous avions la possibilité d'utiliser un monoplateau, mais je ne l'ai pas voulu et j'ai choisi le double plateau à l'avant. » Consonni connaît l'importance des réglages pour survivre à l'Enfer du Nord... Mais, en tant que sprinteuse, elle met l'accent sur la préparation de l’emballage final : « Le plus important pour moi, c’est certainement de trouver l’équilibre au niveau de la pression des pneus parce qu'il y a beaucoup de secteurs pavés, mais l'arrivée sur le vélodrome est un sprint pur. »

LES PAVÉS : « LE DÉFI EST DE NE PAS PERDRE L'ÉLAN »
Il est difficile de prétendre qu'on « connaît » les pavés et qu'on sait comment les apprivoiser. Pour commencer, ils peuvent être très différents d'un endroit à l'autre. « Avant Roubaix, j'avais déjà participé à de grandes classiques comme les Flandres et Gand-Wevelgem, j’étais donc habituée, mais les pavés de Roubaix sont encore plus difficiles que ceux de Belgique », explique Consonni. « Il y a beaucoup plus d'espace entre les pavés, donc le défi est de ne pas perdre la vitesse et l'élan. » Et puis, les mêmes pavés peuvent présenter des défis radicalement différents d’un jour à l’autre, comme elle l'a appris dès 2021. « La première fois que j'ai roulé sur les pavés de Paris-Roubaix, c'était deux mois avant la première édition », raconte-t-elle. « Nous avons fait une reconnaissance avec Valcar, il faisait un temps magnifique... Puis les conditions étaient terribles le jour de la course ! Il a plu du kilomètre 0 jusqu'à l’arrivée et c'était très différent pour essayer de contrôler le vélo et de rester droite sur les pavés. Mais la vérité, c'est que je me suis beaucoup amusée. » Au fil des ans, Consonni a développé sa propre relation avec les pavés de Roubaix et en particulier avec un secteur qu'elle considère à la fois comme le plus beau et le plus difficile : « Le Carrefour de l'Arbre est probablement celui qui m’émeut le plus. C'est là que la course se fait, que les plus fortes essaient de partir. Mais je me souviens avoir explosé dans ce secteur lors de la deuxième édition. J'ai probablement manqué d'expérience et je n'ai pas assez mangé pendant la course. Dans le dernier secteur, les lumières se sont éteintes et je me suis senti mal jusqu'à la fin. »

LE MENTAL : « RÊVES ET CAUCHEMARS »
Aussi préparée et expérimentée que l'on puisse être, Paris-Roubaix conserve une grande part d'irrationalité que Consonni apprécie à sa juste valeur : « C'est la course de mes rêves... Parce qu'elle est folle, comme moi ! Paris-Roubaix me donne des rêves et des cauchemars. Mentalement et aussi émotionnellement, je suis très investie dans cette course. Avant le départ, je sens cette motivation supplémentaire, cette envie de me dépasser, d'aller jusqu'à 110 %. Au début, j'avais un peu peur, ce n'est pas une course facile qui s'offre à vous. Il n'y a pas de dénivelé, mais c'est en quelque sorte pire qu'une étape de montagne du Tour de France. Mais je me souviens aussi de l'émotion que m'a procurée mon premier Roubaix. J'étais impatiente de vivre cette expérience et de m'amuser, et j'y suis arrivée. »
Consonni sait également relativiser en professant une certaine sagesse inspirée par ses propres expériences contrastées dans Paris-Roubaix Femmes avec Zwift : « Il faut aborder la course en sachant que la meilleure ne gagne pas forcément dans une course comme celle-là, c'est important. C'est ma mentalité avant le départ et ensuite advienne que pourra. Je pense que c'est une course où il faut avoir la chance de son côté pour éviter les crevaisons et les chutes. Même dans le final, je pense que la chance est plus importante que d’avoir les meilleures jambes. »

Paris-Roubaix Femmes 2021 -1st Edition - Denain - Roubaix 116,4 km - 02/10/2021 - Chiara Consonni (ITA - Valcar - Travel & Service) - photo PhotoGomez/BettiniPhoto©2021
Paris-Roubaix Femmes 2021 -1st Edition - Denain - Roubaix 116,4 km - 02/10/2021 - Chiara Consonni (ITA - Valcar - Travel & Service) - photo PhotoGomez/BettiniPhoto©2021 © PRESSE SPORTS
consonni (chiara) - (ita) -  PARIS/ROUBAIX FEMININ
consonni (chiara) - (ita) - PARIS/ROUBAIX FEMININ © PRESSE SPORTS
Paris Roubaix Femmes 2023 - 3rd Edition - Denain - Roubaix 145,4 km - 08/04/2023 - Chiara Consonni (ITA - UAE Team ADQ) - photo Rafa Gomez/SprintCyclingAgency©2023
Paris Roubaix Femmes 2023 - 3rd Edition - Denain - Roubaix 145,4 km - 08/04/2023 - Chiara Consonni (ITA - UAE Team ADQ) - photo Rafa Gomez/SprintCyclingAgency©2023 © PRESSE SPORTS

L'ABANDON : « J'AI CONTINUÉ PARCE QUE C'EST ROUBAIX ».
« Jamais, jamais ! » Chiara Consonni n'imagine pas se retirer de Paris-Roubaix Femmes avec Zwift, une course qu'elle est « fière » d'avoir toujours terminée malgré les nombreuses embûches qui touchent tout le monde à tous les niveaux de la course. Et elle en sait quelque chose. « L'année dernière, ça a été l'une des courses les plus difficiles pour moi, se souvient-elle. Avec l'expérience des trois premières éditions, je voulais vraiment bien faire. Je suis arrivée avec la bonne mentalité, mais j'ai crevé deux fois, je suis tombée une fois, et je me suis retrouvée à courir derrière le peloton dès le premier secteur. J'ai perdu ma chance de faire quelque chose de bien, mais je n'ai jamais abandonné et j'ai réussi à terminer une course difficile. Et pour moi, c'était une raison de plus de me dire : "Il faut que je le fasse l'année prochaine ; il faut que je sois plus forte et encore plus motivée pour pouvoir monter sur le podium." »
« J'ai continué parce que c'est Roubaix », assure-t-elle. Il faudrait une fracture pour l’arrêter... Et encore. En 2018, alors qu’elle participait pour la première fois à une autre épreuve qui lui est chère, le Giro, elle avait terminé la 5e étape avec un coude cassé avant d'être évacuée vers l'hôpital d'Omegna. Cette fois, elle n'a pas eu d'autre choix que d'abandonner, « un peu meurtrie mais toujours avec le sourire ».

LE PETIT TRUC EN PLUS : « J'AIME LE PAVÉ QUE REÇOIT LE VAINQUEUR »
À écouter Chiara Consonni, il semble presque naturel que Paris-Roubaix Femmes avec Zwift soit devenu la source de ses rêves cyclistes les plus fous. « Je me souviens tout particulièrement de la première édition », explique la sprinteuse italienne. Cette année-là, en 2021, le peloton féminin découvrait l'Enfer du Nord dans des conditions épiques... Et le cyclisme italien fêtait un triomphe très attendu, plus de deux décennies après la dernière victoire transalpine dans le vélodrome de Roubaix. « Voir Sonny Colbrelli gagner m'a inspirée, pour me dire qu'un jour je pourrais moi aussi être devant et essayer de faire quelque chose pour lequel on se souviendra de moi », sourit Consonni. « Et honnêtement, j'aime le pavé que reçoit le vainqueur. » Du départ aux douches de Roubaix, la sprinteuse italienne s'inscrit pleinement dans la tradition de l'Enfer du Nord et se sent naturellement chez elle à l'arrivée : « C'est très émouvant d'entrer dans le vélodrome, surtout en tant que coureur sur piste. J'adore la piste et terminer mes quatre Roubaix dans ce vélodrome rend cela encore plus émouvant et particulier. »

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